Voilà une question qui intrigue tout être humain et dont la réponse se trouve dans la Bible. Malheureusement, aujourd’hui existent bien de théories, influencées par des idées ou des philosophies qui n’ont pas pour source la Parole de Dieu. Toutefois, on peut dire que dans le monde chrétien la nature de l’être humain est comprise en générale de deux façons totalement différentes :
1. Le dualisme ou immortalité de l’âme: Bien que cette doctrine trouve ses racines en Égypte et en Babylone, son influence sur notre culture occidentale est due en grande partie, aux philosophes grecs, dont Platon, Aristote et les stoïques. Ces philosophes mettaient l’emphase sur la distinction entre les composantes matérielle et spirituelle de la nature humaine. Le côté matériel, le corps qui est éphémère et mauvais et le côté spirituel, l’âme (psyché), ou mental (nous), qui est éternelle et bonne. Le corps est périssable et mortel tandis que l’âme est permanente et immortelle, «une entité spirituelle séparable du corps, immortelle et destiné à être jugée» (Dictionnaire Larousse). Au moment de la mort, l’âme est délivrée de la prison corporelle où elle avait été temporairement retenue captive. Cette anthropologie est aussi appelée grecque ou dichotomique (en deux parties).
2. Le holisme biblique : Elle met l’emphase sur l’unité du corps, de l’âme et de l’esprit, chacun faisant partie d’un organisme indivisible, d’une unité, d’un tout. La Bible affirme qu’à la création, l’être humain tout entier était «très bon» (Gn 1:31). Il n’y a donc pas de contradiction entre matériel et spirituel, corps et âme, chair et esprit car ils font tous partie de la création parfaite de Dieu. La rédemption est la restauration de toute la personne, et non pas le salut de l’âme seule, hors du corps. L’homme est un être unique présentant plusieurs manifestations : l’âme, l’esprit, le corps, le cœur, etc. À la mort, c’est tout l’être qui se repose jusqu’au jour du jugement dernier.
Pourquoi alors, la plupart des églises chrétiennes ont une conception dualiste de l’être humain ? Simplement parce durant une grande partie de l’histoire de l’Église chrétienne, ce sont des savants d’origine grecs et latins qui ont transmis et transformé les doctrines et les enseignements de la Bible. Tandis que l’Ancien Testament a été écrit en hébreu, avec une conception holistique de l’être humain. Puis les écrivains du Nouveau Testament sont des juifs[1] qui certes écrivent en grec mais qui ont une mentalité holistique. Le problème inverse se retrouve dans certaines versions françaises, car les traducteurs qui sont de conception dualiste traduisent la Bible qui est holistique en lui donnant un sens dualiste. Mais puisque tout le monde ne peut pas apprendre l’hébreu pour lire la Bible, voyons au moins quelques notions de base.
Les écrivants de la Bible n’ont pas connu les systèmes nerveux ou respiratoire et la plupart du temps ils définissent l’être humain par des parties qu’ils voyaient et ressentaient. Dans la Bible, la nature de l’homme est désignée par 3 mots principaux : l’âme (en hébreu nephesh, en grec psyché), l’esprit (en hébreu ruah, en grec pneuma) et le corps (en hébreu basar, en grec soma).
1. L’âme (nephesh, 754 fois dans l’AT; psyché, 103 fois dans le NT) c’est l’être humain lui-même considéré dans sa déficience et ses besoins. Le sens premier du mot nephesh est « gorge » car pour les hébreux dans la gorge se donnait lieu le manger, le boire, et la respiration. La gorge était alors le siège des besoins élémentaire de la vie. Cette définition rend difficile la traduction de ce mot en français, c’est pourquoi la version Louis Segond traduit ce mot par plus de 30 mots différents[2]. L’origine de l’âme est décrite en Gn 2:7 : «l'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint une âme vivante (nephesh hayah, littéralement "une gorge qui souffle")»; c’est-à-dire qu’Adam a commencé à respirer. Gn 2:7 nous apprend que l’homme est une «âme vivante» par opposition à l’«âme morte»[3] expression qui désigne les cadavres. L’être humain et les animaux sont des «âmes vivantes» (Gn 1:20, 21, 24, 30; 2:19; 9:10, 12, 15, 16; etc.) car les animaux comme l’homme, respirent, ressentent la douleur et la joie et se distinguent des plantes qui n’ont qu’une vie végétative. En conclusion nous pouvons dire qu’en hébreu l’âme c’est l’être humain, alors il est correcte de dire que l’être humain est une âme et non pas qu’il a une âme.
2. L’esprit (ruah, 389 fois dans l’AT) est employé 136 fois pour désigner l’Esprit de Dieu, 129 fois pour l’esprit des hommes, des animaux et des faux dieux, 113 fois pour désigner le vent. L’esprit est l’être humain revigoré et fortifié. L’esprit est aussi le souffle de vie, c’est-à-dire la capacité de respirer. Le souffle de vie est un don de Dieu aux hommes et aux animaux (Gn 6:7, 17; 7:21-22; Ps 104:24, 29-30) et si Dieu l’enlève, tous meurent (Jb 34:14-15; Ps 104:24, 29-30; 146:3-4; Eccl 3:19; 12:7; Lam 4:20; cf. Ps 143:4-7). L’esprit est le principe ou énergie vital qui anime tous les êtres créés comme le courant électrique du secteur alimente tous les habitants d’une ville. Sans l’esprit, notre corps est sans vie (Jac 2:26; cf. Eccl 8:8; Lc. 8:55). Dieu reprend son souffle, sa puissance de vie, à la mort (Jb. 34:14-15; Ps. 31:6; 104:29; 146:4; Eccl. 12:7; cf. Gn 2:7; 3:19) et le redonne à la résurrection (Ez 37:5, 6, 9-10; Ap 11:11).
Dans tout dictionnaire biblique l’âme (nephesh) et l’esprit (ruah) ne désignent pas la même chose. Mais alors, «le départ de l’esprit» (cf. Ps 31:5; Jb 34:14-15; Eccl 12:9; Ps. 104:29-30), n’est-ce pas une façon imagée de parler du départ de l’âme immortelle vers Dieu ? Non, pour 4 raisons[4] :
a. Jamais dans la Bible le souffle de Dieu ou Esprit (ruah) n’est identifié à l’âme humaine. L’existence de l’âme (nephesh) dépend de la présence du souffle de Dieu (ruah). Quand l’esprit est enlevé, nous cessons d’être une âme vivante et devenons une âme morte. L’esprit de Dieu se manifeste en nous par la capacité de respirer : «aussi longtemps que j'aurai ma respiration, et que le souffle (ruah) de Dieu sera dans mes narines» (Job 27:3). Il y a aussi quelques versets qui disent que l’esprit (ruah) «part» quand nous sommes essoufflés ou quand on a peur (Jos 5:1; 1 R 21:5), puis revient quand on a mangé ou bu (Jg. 15:19; 1 S 30:12; Dn 10:17; cf. Lm 1:11-19) et pourtant la personne n’est pas morte.
b. Aucun verset biblique ne suggère que l’esprit de vie qui retourne à Dieu continue son existence en tant qu’âme immortelle. Au contraire, la Bible affirme qu’après la mort, toute pensée est impossible (Ps 146:4; Eccl 9:5, 10).
c. La Bible enseigne que tout esprit retourne à Dieu qui l’a donné, et non pas seulement les «bons esprits» ou ceux des êtres humains seulement. D’ailleurs, le jugement des nations qui détermine qui est bon et qui est mauvais n’aura lieu qu’au retour de Jésus, à la fin des temps (2 P 2:9; 3:7).
d. La Bible ne dit jamais que le souffle de vie rend un homme immortel. Dans tous les emplois du mot « esprit » en rapport avec un être humain dans la Bible, l’esprit n’est jamais une entité intelligente, capable d’exister séparée du corps physique. Au contraire, la Bible enseigne que ceux qui ont le souffle de vie meurent (Gn. 6:17; 7:21-22). L’esprit n’est pas l’âme immortelle, car les hommes et les bêtes peuvent en être dépossédés (Eccl 3:19; Gn. 7:21-22; Ps. 104:29-30).
3. La chair (basar, 273 fois dans l’AT et soma, 125 fois dans le NT) et non pas le mot «corps» (geviyah) qui n’est employé que 13 fois. La chair est l’être humain dans sa fragilité et sa précarité. La chair est l’aspect extérieur, sensible, corporel, périssable et transitoire de l’être humain. La basar n’est pas une enveloppe extérieure, différente du moi authentique de l’homme. Il lui appartient par essence, à tel point que l’on peut dire que l’homme n’a pas un corps mais qu’il est un corps (par exemple : «que toute chair bénisse son saint nom», Ps 145:21).
Après ce court vocabulaire voyons maintenant ce qui se passe, avec une personne qui meurt. La Bible dit que les morts « dorment » (Jb 3:11-13; 14:10-12, 21-22; 17:13-16; Ps 13:4; Dn 12:1-2; Mt. 9:23-24; 27:52; Mr 5:39; Lc 8:52; Jn. 11:11-14; Ac 7:60; 13:36; 1 Co 7:39; 11:30; 15:6, 18, 20, 51; Éph 5:14; 1 The 4:13-15; 2 P 3:4). Tous ses versets emploient le verbe « dormir », bien que les traducteurs le rendent parfois par « mourir ». Les morts sont inconscients (Jb 14:21-22) et ne peuvent rien faire pour les vivants (Ps 6:6). Dans tous ces textes, il n’est pas question des «âmes» mais de «ceux qui dorment». Dans la Bible il n’y a aucune référence à des âmes qui descendraient du ciel pour s’unir à des corps ou des références à des saints qui jouiraient déjà dans le ciel. Ce n’est qu’après la résurrection que les croyants morts iront rejoindre le Christ. D’ailleurs Paul dit : «Car si les morts ne ressuscitent point, Christ non plus n'est pas ressuscité. Et si Christ n'est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés, et par conséquent aussi ceux qui sont morts en Christ sont perdus» (1 Co 15:16-18). Si, plusieurs milliers d’années durant, les justes étaient montés directement au ciel à leur mort, comment Paul aurait-il pu dire que, s’il n’y a pas de résurrection, «ceux qui sont morts en Christ sont perdus» ?
L’image du sommeil pour parler de la mort est employée dans la Bible à cause de leur ressemblance. Comme ceux qui dorment, les morts ne sont pas conscients de ce qui se passe (« Les morts ne savent rien… Il n’y a pas ni œuvre, ni pensée, ni science, ni sagesse, dans le séjour des morts, où tu vas », Eccl 9:5, 10; «Leur souffle s’en va... et ce même jour leurs desseins périssent», Ps 115:17), Ils ne peuvent pas communiquer avec les vivants («Ils n’auront plus jamais aucune part à tout ce qui se fait sous le soleil», Eccl 9:6); ils ne louent pas Dieu («Ce ne sont pas les morts qui célèbrent l’Éternel» (Ps. 6:5; 88:10), ils seront réveillés au retour de Jésus (« l’heure vient où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix, et en sortiront. Ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie, mais ceux qui auront fait le mal ressusciteront pour le jugement, Jn 5:28-29).
Mais qu’en est-il de l’enfer, n’est-il pas mentionné dans la Bible ?
Oui et non. Le problème est la confusion entre le shéol et la géhenne[5]. Le shéol (65 fois dans l’AT) est un mot traduit le plus souvent par «tombeau, séjour des morts, enfer, fosse, mort»[6]. Selon la Bible, les croyants comme les incroyants vont tous au shéol (Gn 37:35; 42:38; 44:29, 31; 1 S. 2:6; Jb. 7:9; 14:13; 17:13; 30:23; Ps 30:3; 49:12-13, 15; 89:49; 139:8; Eccl 9:2, 10; Lc 16:23, 26; Ac 2:27, 31; etc.). Jamais le shéol n’est un lieu de châtiment ou de tourment. Shéol dérive de la racine hébraïque Shilah-«être tranquille, au repos». Le shéol se trouve sous terre (Nb 16:31-33; Es 14:9; 38:11). C’est un pays d’obscurité (Jb 10:21-22; 17:13; 38:18; Ps 49:20; 88:7, 13; 143:3; Lm 3:6) de silence (Ps 94:17; 115:17), de poussière (Jb 17:16; cf. Es 26:19), d’oubli (Ps 88:13) et d’inconscience (Eccl 9:5-6, 10) où on attend la résurrection (Jb 21:32; 1 Thé 4:13-18). Les habitants du shéol ne sont jamais appelés «âmes» ou «esprits» mais réphaim (8 fois dans l’AT), mot qui vient de la racine «s'enfoncer, couler, partir, disparaître» (Jb 26:5; Ps 88:10; etc.). Dans le NT, le tombeau est rendu par hadès-«séjour des morts» (Mt 11:23; 16:18). Jésus y est allé (Ac 2:27; 1 Co 15:55) et il en a les clefs (Ap 1:18; Ap 6:8). Le hadès sera détruit dans l’étang de feu (Ap 20:13-14).
Quant au mot géhenne (12 fois NT), il s’agit d’un nom géographique, littéralement, le «ravin de Hinnom», qui se trouve au sud de Jérusalem. C’était un lieu de sacrifices d’enfants (2 R 23:10; 2 Chr 28:3; 33:6; Jr 7:31-32; 19:5-6; 32:35) qui devint un gigantesque foyer où brûlèrent les corps des 185,000 assyriens (Es 37:36). La géhenne est aussi appelée la vallée de l'étrangleur (Jr 7:32-33). Flavius Josèphe raconte que les corps des Juifs morts en 70 après J.-C. y ont été amoncelés[7]. Du temps de Jésus, la Géhenne était un endroit en dehors des murs de Jérusalem où l’on brûlait les ordures de la ville. Les auditeurs du Christ pouvaient sans doute voir la fumée monter du ravin de la Géhenne, où les cadavres et les ordures étaient brûlés en permanence. Tout ce qui n’était pas en proie aux flammes était rapidement consommé par les vers. Tous ceux qui voyaient avaient sous leurs yeux, les scènes vivantes d’un anéantissement totale, Jésus utilise alors le feu de la géhenne comme symbole du lieu de châtiment des méchants (Mt. 5:22; 23:33; cf. Mt 10:28; Lc 12:5; Mt 25:41, 46). Par ailleurs, Jésus souligne que les méchants iront à la géhenne avec tout leur corps (Mt 5:29-30; 18:8-9). Dans l’Apocalypse, la géhenne est appelé «deuxième mort» (Ap 2:11; 20:6, 14; 21:8) où les méchants seront punis après le jour du jugement dernier (2 P. 2:9; 3:7). L'exégète H. Bientenhard définit la géhenne comme «l’enfer définitif avec du feu, où seront condamnés pour toujours les impies lors du jugement dernier»[8].
Le mot « enfer » dérive du latin infernos, terme qui a été inventé par Jérôme pour traduire le mot shéol. Infer-nos signifie littéralement «au-dessous de nous». Si l’on s’en tient au sens littéral du mot, nous pouvons dire que, lorsqu’ils meurent, tous les êtres humains vont en «enfer», puisqu’ils vont tous au tombeau. Tandis que la géhenne n’est pas la «non-existence» mais une destruction totale et définitive à la fin de temps.
Voyons maintenant quelques textes qui parlent du feu éternel :
1. Jd 7 parle des villes de Sodome et Gomorrhe détruites par «le feu éternel» (Gn 19:24-28). Ces villes qui se trouvaient au nord de la mer morte, brûlent-elles encore ? Y a-t-il un site touristique en Palestine où l’on peut aller observer les sodomites en train de brûler ? Non, parce qu’elles ont été réduites à cendre (2 P 2:6)[9]. On ne peut pas brûler des cendres. Mais alors, le feu n’était-il pas «éternel» ? Oui, éternel dans ses effets mais pas dans sa durée.
2. Jésus parle de la géhenne comme ayant «un feu qui ne s’éteint pas» (Mr 9:45,48; cf. Es. 66:24; Mt 3:12; Lc 3:17) et où l’on va avec nos mains nos pieds, nos yeux, etc. (Mc 9:43). La même expression est employée pour la destruction de Jérusalem (Jr 17:27; cf. Es 7:20; 2 Chr 36:17) par les Babyloniens (Jr 52:12-13; cf. Ne 1:3), pour l’incendie de la forêt du Néguev (Ez. 21:3-4) ou pour celui de la ville de Béthel (Am. 5:5-6). Mais aucun de ces incendies ne persiste encore. Il faut comprendre donc que ce feu ne s’éteint pas tant qu’il reste quelque chose à brûler. Es. 66:24 dit «car leur ver ne mourra point, et leur feu ne s'éteindra point». L’image du ver est mentionné ici car ils se décomposent comme les corps qui n’ont pas de sépulture (Jr 25:33; Es 14:11; Jb 7:5; 17:14; Ac 12:23). Notez d’ailleurs que les vers agissent sur des cadavres et non pas sur des «âmes» sans corps.
3. Le feu « éternel » ne dure pas pour toujours. Selon les dictionnaires, le mot « éternel » (olam) peut être traduit par «temps éloigné, perpétuelle, longue durée, ancien, éternité, toujours» (il se trouve 440 fois dans l’AT).[10] Le mot olam qualifie un temps indéfini, éloigné, inaccessible, le temps total, le temps que seulement Dieu peut embrasser et maîtriser, un temps qui est caché aux humains bien que Dieu ait placé en nous «la pensée de l’éternité» (Eccl 3:11). Olam est donc le temps de Dieu (Gn 21:33). Toutefois lorsque le mot olam fait référence aux êtres humains il signifie «le temps de la vie humaine, durant sa vie»[11]. C’est pourquoi, olam est employé plus de 100 fois pour parler de choses qui ont cessé d’être : la pâque juive (Ex 12:14, 17, 24), la confiance du peuple (Ex 19:9), un esclave sera pour toujours à ton service (Ex 21:6; Lv 25:46; Dt 15:17; Jb 40:23), les diverses cérémonies du sanctuaire (Ex 27:21; 28:43; 29:28; 30:21; Lv 6:11; 7:34, 36; etc.); le sacerdoce Aaronique (Ex 29:9; 40:15), la possession des lévites (Nb 18:23), l’interdiction d'ammonites ou Moabites en Israël (Dt 23:3, 6); le service de Samuel au temple (1 S 1:22, 28); la prêtrise d’Eli (1 S 2:30; 3:13); Le règne de Saül (1 S 13:13), le temple (1R 8:13); le psalmiste qui adore Dieu (Ps 30:13; 44:9; 75:10; 89:2; 115:18; etc.), la protection de Dieu (Ps 12:8; 121:8; etc.), accomplir la loi (Ps 5:12; 30:13; 44:9 etc.); le livre écrit par Ésaïe (Es 30:8); le feu de la ville d’Edom (Es 34:10), le silence de Ésaïe (Es 42:14), les souffrances d’Israël (Es. 64:4); la colère et le rejet de Dieu contre Israël (Jr 17:4; 23:39-40), Jonas dans le ventre du poisson (Jonas 2:7), etc. Toutes ces choses finissent avec la mort de celui que les a dites et dans les cas des générations ou les peuples lorsque leur temps est achevé. Dans le NT le mot grec aionios peut être traduit par «ère, siècle, temps du monde, durée, éternel, pour toujours» mais il veut dire littéralement «le temps de vie, la génération» d’où qu’il puisse signifier le temps vécu ou celui qui reste à vivre[12]. Par exemple en Phlm 15 Paul dit à Onésime : «... pour toujours» c’est à dire tant que durera sa vie humaine. Plusieurs papyrus grecs anciens donnent de nombreux exemples de cet emploi. Ainsi, les empereurs sont appelés aionios parce qu’ils avaient leur poste à vie. Malheureusement, le mot français «éternel» ne rend pas correctement le sens de ce terme. Le grec aionon fait allusion à une perpétuité limitée, «définie»[13], tandis que le mot français «éternel» désigne une durée illimitée.
4. Les «pleurs» et «grincements de dents» (Mt 8:12; 22:13; 24:51; 25:30) se trouvent toujours dans le contexte de la séparation, ou exclusion, qui a lieu lors du jugement dernier. Ces deux phrases dérivent des textes de l’AT qui parlent du «jour du Seigneur» (Soph 1:14; Ps 112:10). Elles reflètent la tristesse et la terreur des condamnés (les pleurs) à cause de l’imminence du jugement divin et la rage (grincement des dents) envers les rachetés, qui serons bénis pour toujours, et envers Dieu.
5. Voyons maintenant Ap 14:10-11. Voilà un texte qui est souvent mal interprété, à cause d’une méconnaissance totale des images de l’AT auxquelles Jean recourt pour faire comprendre le désastre inimaginable qui résulte du rejet de Dieu. Cette annonce du jugement divin sur les apostats qui adorent la bête présente 3 éléments :
a. «Le déversement de la coupe de la colère de Dieu» : Ceci est un symbole de l’Ancien Testament du jugement divin (Es 51:17, 22; Jr 25:15-38; Ps. 60:3; 75:8). Cette coupe est donnée sans mélange pour qu’elle soit plus toxique (Ab 16; cf. Jr. 25:18, 27, 33). La coupe de la colère de Dieu est également donnée à Babylone, il en résulte «la mort, le deuil, la famine» et la destruction par le feu (Ap 18:6, 8). Nous pouvons donc croire que la fin de Babylone, détruite par le feu, correspond aussi à la fin de ceux qui boiront la coupe de la colère de Dieu.
b. «Le tourment dans le souffre et le feu» et «la fumée qui monte aux siècles des siècles». L’expression «le tourment dans le soufre et le feu» est une allusion directe à la destruction de Sodome et Gomorrhe (Gn. 19) qui est par ailleurs l’image d’un anéantissement totale (Jb 18:15-17; Es 30:33; Ez 38:22). Ésaïe décrit le sort d’Édom dans un langage tout-à-fait similaire : «Les torrents d'Édom seront changés en poix, Et sa poussière en soufre; Et sa terre sera comme de la poix qui brûle. Elle ne s'éteindra ni jour ni nuit, la fumée s'en élèvera éternellement» (Es 34:9-10). Dans les deux passages, nous trouvons un feu qui ne s’éteint ni jour ni nuit, le soufre et la fumée qui s’élèvent éternellement. Cela veut-il dire qu’Édom brûle encore ? Le verset répond lui-même à cette question : «d’âge en âge elle sera désolée, A tout jamais personne n'y passera». À l’évidence, le feu qui ne s’éteint pas et la fumée qui s'élève éternellement, ne sont que des métaphores symbolisant une destruction complète et définitive. Cette conclusion est confirmée par l’imagerie qu’emploie l’apôtre Jean décrivant le sort de Babylone. La ville «sera consumée par le feu» (Ap 18:8) et «sa fumée monte aux siècles des siècles» (Ap 19:3). Babylone brûlera-t-elle pour toute éternité ? Non, car les marins et les rois disent que, «en une seule heure est venu ton jugement... on ne la retrouvera plus» (Ap 18:10-21). Ainsi, il devient claire que le tourment de Babylone dont la «fumée monte aux siècles des siècles» représente une destruction complète de la ville car «on ne la retrouvera plus». L’expression aionas aionon «d’âge en âge, aux siècles des siècles» désigne donc un temps long et indéterminé (deuxième sens dans les dictionnaires) mais non pas illimité. D’ailleurs dans la Bible l’expression «aux siècles des siècles» est employée 57 fois en relation avec des choses qui ont déjà pris fin.
c. «Ils n'ont de repos ni jour ni nuit». Cette phrase fait-elle référence au tourment éternel de l’enfer ? Non, elle fait allusion à la continuité et non pas à la durée éternelle de l’action. L’apôtre Jean emploie la phrase «jour et nuit» pour décrire : les prières des quatre être vivants (Ap 4:8), le service des martyrs (Ap 7:15), les accusations de Satan (Ap 12:10) et le tourment de la fausse trinité dans l’étang de feu (Ap. 20:10). Satan étant dans l’étang de feu, pourrait-il continuer à accuser les justes ? Nous disons donc avec H. E. Guillebaud que «certainement cette phrase qui parle d’une souffrance sans interruption de ceux qui suivent la bête veut dire qu’elle est continuelle et non qu’elle dure pour toujours»[14].
6. Par ailleurs, la Bible dit clairement que les méchants brûleront rapidement : «comme du chaume... sans laisser de racine ni de rameau» (Ma 4:1), «ils deviendront comme de la cendre» (Ml 4:3; Mt 13:30, 40; 2 Pi 3:10), «réduits à rien» (Es 41:11-12; 47:14; Ps 73:19-20, 27), «comme la fumée» (Ps 37:10, 20; 68:3; 94:23; cf. Ab 16), «retranchés» (Ps 37:9, 20, 34, 38), «dévorés» (Ps. 21:10; Ap 20:9; Hb 10:27), «détruits» (Ps 145:20; 2 Thé 1:9; Hb 2:14), rien ne subsiste (Es 41:11-12), «consumés» (Ps 104:35). Le psalmiste écrit : «tu détruis le méchant, Tu effaces leur nom pour toujours et à perpétuité. Plus d'ennemis! Des ruines éternelles!» (Ps 9:5-6; Ps 92:8; 2 Th 1:8-9).
7. Enfin, voyons la description du châtiment dernier qui est appelé «l’étang de feu» (Ap. 19:20; 20:10, 14, 15). La question est de savoir si l’étang de feu représente un lieu qui brûle pour toujours ou bien s’il symbolise une éradication permanente du péché et des pécheurs ? 5 raisons nous permettent d’affirmer qu’il ne s’agit pas d’une souffrance éternelle :
a. La Bête et le faux prophète, qui symbolisent une fausse religion et un gouvernement persécuteur, ne peuvent pas souffrir pour l’éternité, car il s’agit d’institutions et non pas de personnes.
b. L’image de la destruction de Satan et de ses anges dévorés par le feu du ciel est une image reprise de l’AT (cf. 2 R 1:10; Ez 38:22; 39:6, 16) où tous les méchants sont détruits. Satan brûlera le plus longtemps, il brûlera jusqu’au siècle des siècles[15], jusqu’à être réduit en cendre (Ez 28:14-19). Dans la Bible, le diable n’est jamais le responsable du feu de l’enfer. Au contraire, «le diable, qui les séduisait, fut jeté dans l'étang de feu et de soufre, où sont la bête et le faux prophète (Ap 20:10).
c. Le feu ne peut dévorer que des êtres physiques et non pas des esprits.
d. La mort et le séjour des morts (Ap 20:14) ne peuvent pas souffrir. Noter par ailleurs que Ap 21:4 dit que «la mort ne sera plus» donc elle sera détruite dans l’étant de feu. Le but de l’étang de feu est donc l’anéantissement.
e. L’étang de feu est la seconde mort (Ap 20:14; cf. 21:8). La deuxième mort est l’antithèse de la «vie éternelle», elle est donc «la mort éternelle» et non pas une simple séparation consciente et éternelle de Dieu. La seconde mort diffère de la première mort non dans sa nature mais dans ses résultats. La première mort est un sommeil temporaire car elle est suivie par la résurrection. En revanche, la seconde mort est une destruction permanente et irréversible car il n’y aura plus aucun réveil (Jr 51:39, 57). Jésus dit : «le salaire du péché c’est la mort» (Rm 6:23) et non pas une vie éternelle de souffrance et tourment. Dieu dit : «j'ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité» (Dt 30:19) et non pas une vie éternelle de souffrance.
Quels sont les problèmes de la croyance non biblique en un enfer éternel ?
1. Implications morales[16] : La croyance en un enfer qui brûle éternellement est incompatible avec la révélation biblique d’un Dieu d’amour et de justice. Dieu n’est pas un monstre assoiffé de sang et doué d’une cruauté inimaginable qui crée son propre Auschwitz pour ses ennemis, en ne leurs permettant même pas de mourir. S’il en était ainsi, comment pourrait-il être un Dieu d’amour ? Comment aimer un Dieu qui aime torturer et faire souffrir ? D’ailleurs cette image de Dieu, était le prétexte des inquisiteurs pour brûler les condamnés par la «Sainte Mère, l’Église».
2. Implications Juridiques : Plusieurs pensent que «la théorie non biblique de l'anéantissement des méchants fait violence à la justice de Dieu». Mais est-il juste de souffrir éternellement ? Ne s’agit-il pas plutôt de la pire des injustices ? J. Hick constate que : «La justice ne peut jamais exiger pour des péchés finis la peine infinie d’une douleur infinie; ce tourment sans fin ne pourrait jamais servir un propos positif ou réformateur, précisément parce qu’il ne finit jamais; et cela rend impossible toute théodicée cohérente, qui puisse donner aux châtiments du péché et les souffrances éternelles une place dans la création de Dieu»[17]. La notion d’une vengeance éternelle n’est pas biblique. La Bible ne parle jamais d’un châtiment avant le jugement; pensez-y, un Dieu juste ferait souffrir une personne en enfer et des siècles plus tard, il déciderait s’il mérite réellement cette punition? Ce serait aller à l’encontre de la plus élémentaire justice. La législation mosaïque met une limite à tout châtiment qui pouvait être infligé pour toute sorte de grief ou péché. Jésus lui-même donne encore une plus grande limite : «vous avez entendu qu’il a été dit... mais je vous dis» (Mt 5). Sous l’éthique de l’évangile, il est impossible de justifier la vision traditionnelle d’un châtiment éternel et conscient, car il crée un écart trop grand entre les péchés commis durant la vie et le châtiment à recevoir pendant toute l’éternité. Pauvres mortels qui ne vivons que 60 à 80 ans et avons beaucoup du mal à imaginer ce que l’éternité veut dire. Un châtiment éternel signifierait, plus que des milliards d’années de souffrance et de malheur. D’ailleurs, cette hypothèse va à l’encontre de la justice humaine. La notion du tourment éternel montre Dieu comme un être vindicatif, en opposition avec ce que Jésus nous a révélé de l’amour du Père pour les perdus. «Ce que je désire, ce n’est pas que le méchant meure, c'est qu'il change de conduite et qu'il vive. Revenez, revenez de votre mauvaise voie; et pourquoi mourriez-vous, maison d'Israël? (Ez 33:11).
3. Implications Cosmologiques : Il est impossible de réconcilier cette vision avec la vision prophétique de la nouvelle terre où «il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car les premières choses ont disparu» (Ap 21:4; cf. 1 Co 15:28). Comment les peines et les cris pourraient-ils être oubliés si l’agonie et l'angoisse des perdus était si proche et visible comme dans la parabole du riche et de Lazare (Lc 16:19-31) ? Comment les justes pourraient-ils se réjouir ? Cela ne gâcherait-il pas leur joie et la paix de la nouvelle terre ? Les rachetés, une fois dans la gloire, perdraient-ils tout sentiment de compassion et même d’humanité ? les saints deviendront-ils amnésiques? Ces vertus y feraient-elles place à un froid stoïcisme ou à la cruauté des sauvages ? Jean, lors d’une de ses visions, entend un hymne universel de louange, que ne trouble aucune note discordante. Toutes les créatures qui sont dans les cieux et sur la terre rendent gloire à Dieu (Ap. 5:13). On n’y entendra nulle part des réprouvés blasphémer Dieu et se tordre au sein des tourments éternels, mêlant leurs hurlements aux chants des rachetés. Comme le dit bien J. Stott : «Comme Dieu pourra-t-il être "tout en tous" (1 Co 15:28) dans tout le sens du terme si un certain nombre de personnes continue à être rebelle envers lui et envers son jugement ?»[18]. Le propos ultime du plan de salut est l’éradication définitive du péché et des pécheurs.
Bibliquement, la «parfaite haine» de Dieu n’est pas un synonyme de sadisme. La doctrine d’un enfer éternel fait passer Dieu pour un affreux tyran, qui plonge tous ceux qui lui déplaisent dans les flammes de l’enfer où ils endurent des souffrances indicibles et se tordent en des tourments sans fin, spectacle que l’Éternel est supposé contempler avec satisfaction. Quoi de plus propre à révolter les sentiments de bonté, de miséricorde et de justice, que la doctrine selon laquelle les impénitents seront tourmentés à cause des péchés d’une courte existence, dans le feu et dans le soufre d’un enfer qui durera aussi longtemps que Dieu lui-même ? Puis, nous nous révoltons souvent devant le fait de mettre en prison quelqu’un qui n’a pas encore été jugé, Mais Dieu condamnerait-il des gens sans les avoir jugés ? Et si par hasard il se trompait, et qu’il condamne des innocents ? L’idée d’un Dieu qui torture pour l’éternité est une invention diabolique. En montrant Dieu comme le plus sauvages des terroristes et le plus sanglant des dictateurs, le diable veut que nous haïssions Dieu. Aujourd’hui, pour des crimes horribles, le gens réclament la prison à vie, même la peine de mort, mais personne n’a jamais réclamé la torture éternelle, Dieu serait pire que nous tous ? Sommes-nous plus gentils que Dieu ? Même Hitler devrait être considéré comme plus bon que Dieu.
Une des raisons du rejet de la religion chrétienne dans son ensemble, par la société sécularisée dans laquelle nous vivons est due à cette fausse vision d’un Dieu vindicatif, qui trouverait son plaisir dans la torture et la souffrance, et qui le ferait sans aucune limite de temps. Quel avantage Dieu retirerait-il à ce que nous proclamions qu’il trouve ses délices dans les tortures incessantes des méchants, qu’il jouit des gémissements, des cris de douleur et des imprécations des créatures qu’il retient dans les flammes de l’enfer ? Ces cris atroces seraient-ils une musique pour les oreilles du Dieu d’amour ? L’horreur de Dieu pour le péché justifierait-elle la perpétuation du mal ? En effet, exaspérés par le désespoir, les malheureux réprouvés exhaleraient leur fureur en malédictions et en outrages qui augmenteraient constamment leur culpabilité ! Y a-t-il lieu de s’étonner que notre miséricordieux Créateur soit craint, redouté et même haï.
De plus, la croyance à l’existence d’une âme immortelle enfermée dans un corps mortel, suscite plusieurs questions : Si l’âme est immortelle par nature, comment se fait-il qu’elle ait eu un commencement ? Si l’âme n’a pas eu de commencement, que faisait-elle et où se trouvait-elle avant de s’unir au corps ? Pourquoi faut-il que l’âme s'unisse à un corps, si elle peut vivre heureuse indépendamment ? Pourquoi la résurrection collective à la fin des temps ? Pourquoi une âme qui vit dans le bonheur chercherait-elle son corps ? Pour quelle raison une âme qui vit déjà le bonheur parfait ou qui se tord dans les flammes de l’enfer serait-elle convoquée à un jugement final ? Une fois leurs cas examinés par le grand Juge, pourraient-ils recevoir cet éloge : «C'est bien, bon et fidèle serviteur...; entre dans la joie de ton maître» (Mt 25:21), alors qu’ils auront déjà passé peut-être des siècles en sa présence ? Les méchants sont-ils tirés de leur lieu de tourments pour entendre de la bouche du Juge de toute la terre cette sentence : «Retirez-vous de moi, maudits; allez dans le feu éternel» (Mt 25:41) ?
D’autre part, si l’on décide d’introduire la théorie de l’immortalité de l’âme dans la Bible, il se crée une duplication des réalités eschatologiques : un double jugement (un particulier et un universel), une double vie (une sans corps et une autre avec le corps) et un double châtiment (un premier lors du départ de l’âme, à la mort et un autre châtiment du corps tout entier lors du jugement dernier). Rien de tel dans le message biblique. Mais cette fausse doctrine va encore plus loin :
1. Cette doctrine donne gloire à l’être humain plutôt qu’à Dieu. Si Dieu seul est immortel et nous faisons de l’homme un être immortel alors nous sommes égaux à Dieu.
2. Elle fait de Dieu un menteur et donne raison à Satan. Car Dieu dit à Adam : « car, le jour où tu en mangeras, tu mourras. » (Gn 2:17), tandis que Satan a dit : « Vous ne mourrez point (Gn 3:4).
3. Si l’être humain est immortel, la mort de Jésus n’est pas nécessaire. Pourquoi Jésus devrait mourir pour me donner ce que je possède déjà ?
4. Cette doctrine dévalorise notre corps. Si notre âme est immortelle et cette elle que je dois être sauvée, pourquoi alors je devrais prendre soin de mort corps ?
5. Elle rend inutile le retour de Jésus. Pourquoi Jésus devrait revenir puisque nous partons au ciel de notre mort ?
6. Elle ouvre la porte au spiritisme. Si après la mort l’âme des personnes se trouvent quelque part, alors il est possible de communiquer avec elles.
Versets employés pour soutenir l’immortalité de l’âme[19]
1. Gn 35:18 : La mort de Rachel en donnant naissance à Benjamin. En décrivant les douleurs d’enfantement de Rachel le texte dit : «Et comme elle allait rendre l'âme, car elle était mourante, elle lui donna le nom de Ben-Oni; mais le père l'appela Benjamin» (LSG). Interpréter cette expression comme signifiant que l’âme immortelle de Rachel était en train de partir de son corps à sa mort, va à l’encontre de l’enseignement explicite de l’AT, que l’âme meurt avec le corps. La phrase «rendre l’âme» signifie que sa respiration s’était arrêté, qu’elle était en train de donner son dernier souffle, d’où les traductions : «dans son dernier souffle» (Sem, BNT), au moment de rendre le dernier soupir» (BFC), «au moment de mourir» (PDV). Il est important de noter que le mot «âme»- nephesh dérive du verbe hébreu qui signifie «souffler, respirer, se reposer après un effort». C’est en lui insufflant un souffle de vie que l’homme devint une âme vivante, un organisme qui respire. Par le départ du souffle de vie, une personne devient une âme morte. E. Jacob affirme que «le départ de la nephesh est une métaphore de la mort; un homme mort est quelqu’un qui a cessé de respirer[20] ». Rachel n’était pas morte dans le sens moderne du terme, mais elle agonisait. Elle était en train de perdre la nephesh, vitalité que le ruah (souffle) sustentait avant qu’elle devienne une âme morte.
2. 1 S 28:12-19 : Saül chez la sorcière d’En-Dor. Samuel est-il revenu parler à Saül ? Non, pour cinq raisons :
1. Cette interprétation ignore l’interdiction solennelle de consulter des esprits (Lv. 19:31; Es. 8:19) qui constitue une transgression punie de mort (Lv. 20:6, 27). Dieu n’a pu permettre un face à face qu’il interdit formellement par ailleurs. Saül lui-même, «avait ôté du pays ceux qui évoquaient les morts et ceux qui prédisaient l'avenir» (1 S 28:3) en obéissance à l’ordre de Dieu. Néanmoins, dans son désespoir, il enfreint cette loi. 1 Chr 10:13-14 affirme que Saül est mort parce qu’il a consulté les morts. Par ailleurs, la voyante dit : «je vois un dieu (elohim)» (1 S 28:13). Le mot «élohim», qui est aussi un des qualificatifs de l'Éternel, désigne ici les faux dieux (cf. Gn. 35:2; Ex. 12:12; 20:3) ou encore un démon et non pas l’esprit de Samuel.
2. Cette interprétation suppose que Dieu a parlé avec Saül à travers un médium. Or, la Bible assure que Dieu ne voulait lui parler «ni par songes, ni par ourim, ni par les prophètes» (1 S 28:6), qui étaient les trois moyens légaux pour connaitre la volonté de Dieu. La magicienne aurait-elle eu le pouvoir d’évoquer un mort et de lui faire dire ce que Dieu ne voulait pas lui faire connaître ? Certainement pas. Dieu ne peut communier avec celui qui néglige volontairement ses ordres et directives.
3. Cette interprétation passe outre la difficulté qui apparaît par le fait qu’un esprit puisse se présenter comme «un vieil homme enveloppé d’une robe» (1 S 28:14) car les esprits désincarnés n’ont pas besoin d’habits. S’agit-il d’un corps ressuscité par Dieu ou par le diable ?
4. Croire que «l’âme» de Samuel soit revenue des morts est en contradiction avec les implications de la phrase «demain tu seras avec moi» (1 S 28:19). Ils se seraient retrouvés où, dans le ciel ou en enfer ? Si Samuel était au ciel, pourquoi «monte»-t-il ? (1 S 28:15).
5. Saül n’a jamais vu le fantôme de Samuel. Il a seulement reçu l’information de la voyante et il a «supposé» qu’il s’agisse de Samuel d’après la description. Ensuite, Samuel n’aurait jamais accepté que Saül s’incline devant lui (v. 14) et il n’aurait jamais collaboré avec une sorcière car il était farouchement opposé à cela (1 S 15:23), il ne s’agisse donc pas du vrai Samuel. Puisque Dieu avait abandonné Israël, cette prophétie était facile à faire, il n’avait pas besoin d’être fantôme ou ange pour cela. En réalité le diable a trompé Saül et la femme.
3. 1 R 17:20-22 : La résurrection du fils de la veuve de Sarepta. À cette occasion, Élie dit : «Éternel, mon Dieu, je t'en prie, que l'âme de cet enfant revienne au-dedans de lui! L'Éternel écouta la voix d'Elie, et l'âme de l'enfant revint au-dedans de lui, et il fut rendu à la vie» (LSG). Pris isolé, ce texte est employé pour confirmer l’immortalité de l’âme, cependant trois raisons nous font rejeter cette interprétation :
1. Nulle part dans ce verset ou dans le reste de la Bible trouvons-nous l’indication que l’âme soit immortelle. Au contraire comme nous l’avons vu, l’âme est le principe de vie qui se manifeste dans l’homme tant que la personne est vivante.
2. Au v. 17 la mort de l’enfant est décrite comme la cessation de sa respiration, «sa maladie fut si violente qu’il ne resta plus en lui de respiration». Ceci montre que l'arrêt de la respiration produit de départ de l’âme et que le retour de la respiration produit le retour de l’âme. L’homme est une personne -nephesh lorsqu’il respire. La respiration est la manifestation extérieure de la nephesh.
3. Le v. 21 dit : «que l'âme de cet enfant revienne au-dedans de lui», et ce que retourner à l’intérieur c’est sa respiration. Le mot âme n’est jamais en relation avec les organes «à l’intérieur» du corps. C’est donc par le retour de la respiration que l’enfant redevient une âme vivante. L’écrivant ne laisse jamais entendre que l’âme serait le véritable enfant ou la manifestation de sa personnalité. Éli n’a pas dit : «il n’est plus parmi nous». Donc l'expression «l'âme de l'enfant revint au-dedans de lui» signifie seulement que l’enfant recommença à respirer. C’est pourquoi les versions modernes lisent : «le souffle de vie de cet enfant... le souffle de l’enfant revint en lui» (Semeur), «il rendit la vie à l’enfant qui se remit à respirer (BFC), rend la vie à cet enfant... le souffle de l’enfant revient en lui» (PDV), le souffle de cet enfant... le souffle revient à l’enfant (BNT).
4. Es 14:4-11 et Ez 31-32 : Complainte sur le roi de Babylone et sur le pharaon d’Égypte. Dans ces deux textes, ceux qui sont dans le Shéol sont décrits en train de parler et de donner de jugements moraux sur le style de vie des nouveaux arrivants. Es 14:4-11 est une ode sarcastique contre le roi de Babylone où les «sombres» des morts, surtout plusieurs des rois assujettis par Nebucadnetsar, sont personnifiés afin de proférer le châtiment de Dieu sur le roi tyran (Es 14:10-11). Nous avons ici une description graphique du cadavre du roi dans la tombe dévoré par les vers (v. 11) et en aucun cas celle de l’âme jouissant des joies du ciel ou des tourments de l’enfer. Ce passage ne décrit pas «les âmes des disparus» mais le portrait des morts enterrés. Il est évidant que si les rois étaient les «âmes des défunts» au Shéol, ils ne seraient pas assis sur des trônes (Es 14:9).
Dans cette impressionnante parabole, même les cyprès et les cèdres du Liban sont personnifiés (Es 14:8) et proclament une raillerie moqueuse contre le tyran déchu. Il est évidant que dans le style de cette parabole, autant les arbres personnifiés que les monarques déchus, sont fictives. Ils ne servent pas à démontrer la conscience des âmes dans le Shéol, mais à décrire avec des images frappantes le jugement de Dieu sur l'oppresseur d’Israël, et sa destinée finale et ignominieuse dans la poussière du tombeau, pour être mangé par les vers. Interpréter cette parabole comme une description littérale de la vie d’outre-tombe est ignorer la nature figurative et imagée du passage. Un texte en parabole ou symbolique ne peut pas et ne doit pas être interprété littéralement.
En Ez 31-32 nous trouvons un texte très semblable, cette fois-ci décrivant la chute du Pharaon par le roi de Babylone. La même personnification de la nature est employée : «Le jour où il est descendu dans le séjour des morts, J'ai répandu le deuil, j'ai couvert l'abîme à cause de lui, Et j'en ai retenu les fleuves; Les grandes eaux ont été arrêtées; J'ai rendu le Liban triste à cause de lui, Et tous les arbres des champs ont été desséchés» (Ez 31:15). Les rois déchus que vivants semaient la terreur, sont couchés dans le Shéol et «leurs sépulcres sont autour d'eux» (Ez 32:26). «On ne les a pas enterrés avec les combattants glorieux d’autrefois, qui faisaient trembler de peur le monde des vivants. Ces combattants descendaient dans le monde des morts avec leurs armes. On plaçait leur épée sous leur tête et leur bouclier sur leur corps.» (Ez 32:27, PDV). Dans cette description imagée les épées servent d’oreiller et les boucliers de couverture. Celle-ci est difficilement la description des âmes jouissant des joies du paradis ou des tourments de l’enfer, mais plutôt représentent l’humiliation de la tombe qui attend à tout celui qui abuse de son pouvoir dans cette vie. Dans la Bible, le Shéol n’est jamais un lieu de châtiment mais un lieu de silence, de poussière et d’obscurité où vont tous les descendants de Adam car «tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière» (Gn 3:19).
5. Mt 10:28. Celui qui peut tuer l’âme et le corps dans la géhenne. Jésus en évoquant les souffrances qui attendaient à ses disciples leur dit : «Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui ne peuvent tuer l'âme; craignez plutôt celui qui peut faire périr l'âme et le corps dans la géhenne » (Mt 10 :28, LSG). Notez avant tout que pour que le corps puisse être détruit «dans la géhenne», il faudrait qu’il sorte du tombeau, c’est-à-dire qu’il ressuscite. La géhenne fait donc allusion à une destruction qui aura lieu après la résurrection (à moins de penser qu’à la mort, l’âme et le corps montent tous deux au ciel).
Mt. 10:28 doit être compris à la lumière de Lc 12:4-5 qui est le texte parallèle. S’adressant à un public grec, Luc omet la référence à l’âme et préfère parler de toute la personne (cf. Lc. 9:25). Il évite d’employer le mot «âme» car ce terme pouvait être mal compris par ses lecteurs d’origine païenne qui concevaient l’âme comme immortelle, selon les enseignements de la philosophie platonicienne. Ainsi, le mot « âme » en Mt. 10:28 veut tout simplement dire «la vie». Dans la bouche de Jésus, il désigne même quelquefois, la vie éternelle. Par exemple, Jésus dit : «Le bon berger donne sa vie (lit. « âme ») pour ses brebis» (Jn 10:11), et aussi «le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie (lit. « âme ») comme la rançon de beaucoup» (Mt 20:28). Le sens de vie éternelle pour le mot psyché est confirmé en Jn 12:25 : «Celui qui aime sa vie (lit. « âme ») la perdra, et celui qui hait sa vie (lit. « âme ») dans ce monde la conservera pour la vie éternelle». Ce verset met en corrélation «ce monde» et «vie éternelle» ce qui indique que la psyché peut être employée pour désigner la vie terrestre et la vie éternelle. Mt 10:28 pourrait être paraphrasé de la façon suivante : «Ne craignez pas ceux qui peuvent détruire votre existence terrestre mais qui ne peuvent détruire votre vie [éternelle]; craignez plutôt Dieu qui peut faire périr tout votre être dans la géhenne». Dans ce sens traduisent Chouraqui : «ne frémissez pas des tueurs du corps qui ne peuvent tuer l’être, mais frémissez de qui peut perdre et corps et être dans la Géhenne», la PDV « n’ayez pas peur de gens qui tuent le corps. Ils ne peuvent pas tuer la vie qui est en vous. Celui qui vous devez respecter avec confiance, c’est Dieu. Lui, il a le pouvoir de vous faire mourir tout entiers dans le lieu de souffrance» et la BNT «n’ayez pas peur des assassins du corps; ils ne peuvent assassiner la vie. Craignez plutôt Celui qui a le pouvoir d’anéantir et le corps et la vie dans le feu du Dépotoir». Le théologien J. Stott remarque que «si tuer signifie priver le corps de vie, alors l’enfer consisterait à être privé de la vie physique comme de la vie spirituelle, ce qui serait l'extinction de l’être»[21].
Par ailleurs, le fait que Dieu puisse «détruire l’âme (psyché) et le corps dans la géhenne» contredit l’idée d’une âme immatérielle et immortelle. Comment l’âme pourrait-elle être immortelle si Dieu peut la détruire avec le corps dans la géhenne ? Jésus affirme ainsi clairement que l’âme peut être détruite, qu’elle n’est donc pas immortelle. Dans la Bible, il n’y a aucune référence à «l’âme immortelle». Même, l'archevêque de Canterbury, W. Temple arrive à la conclusion que : «la notion d’une âme de l’individu naturellement indestructible n’est pas biblique»[22]. En Mt 10:28, l'opposition n’est pas entre le corps corruptible et l’âme immortelle, mais entre ce que l’homme peut faire et que Dieu peut faire.
6. Matthieu 22:32. Discussion avec les sadducéens sur la résurrection des morts. Jésus citant le livre d’Exode dit : «Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, et le Dieu de Jacob. Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants» (Mt 22:32). Dans cette controverse avec les Sadducéens (Mt. 22:23-33), Jésus affirme clairement la résurrection à la fin de temps (vss. 30, 31), doctrine que les Sadducéens niaient. Lorsque Jésus parle du «Dieu des vivants», il le fait dans le contexte d’une mentalité sémitique, lesquels sémites ne croyaient pas en une âme désincarnée selon la doctrine dualiste. Pour Jésus, les patriarches, même morts, appartiennent au Dieu vivant d’Israël et auront accès à la vie éternelle lors de la résurrection[23]. En tant que Dieu des vivants, l’Éternel protège les siens par son pouvoir vivifiant. Dieu ne veut pas et ne peut pas être le Dieu de condamnés à mort qui ne le serviraient que pendant leur existence terrestre (idée qui contredit la doctrine saducéenne). Il n’est pas non plus le Dieu de ressuscités toujours soumis aux complications du droit matrimonial juif (ceci à l’encontre de la doctrine pharisienne).
Héb 11 affirme explicitement que les patriarches «n'ont pas obtenu ce qui leur était promis» (Héb 11:10, 13, 16, 39). Dieu a en vue «quelque chose de meilleur pour nous, afin qu'ils [les patriarches] ne parviennent pas sans nous à la perfection» (Héb 11:40). Les morts en Christ se «reposent» de leurs œuvres (Ap. 14:13), ils «dorment» (Jn 11:11, 14; etc.) et leur souvenir, tous ses actes, son caractère, etc., sont gardés dans des livres célestes (Ex 32:32; Ps. 56:8; 69:29; 139:16; Es 4:3; Dn. 7:10; 12:1; Mal 3:16; Php 4:3; Mt 12:36-37; Ap 3:5; 13:8; 20:12; cf. Jr. 2:22; Ecl 12:14), un peu comme dans un fichier d’ordinateur. Mais, au retour de Jésus (1 The 4:13-15), tous les rachetés ressusciteront (Héb 11:35) le jour où Jésus-Christ reviendra chercher «son corps», c’est-à-dire, son Église (1 Co 12:12-31). Lorsqu’il est question de la résurrection, Paul parle toujours d’un événement unique et eschatologique. Tant que l’on «dort», on n’est donc pas définitivement mort, la mort n’est pas le trou noir nihiliste mais un repos dans l’attente de la résurrection.
7. Lc 9:28-36. Lors de la transfiguration est-ce bien les «âmes» de Moïse et d’Élie qui se sont entretenues avec Jésus ? Non. La parole de Dieu affirme qu’Élie a été transmué au ciel sans voir la mort (2 R 2:11). Il est donc certain que ce n’est pas «l’âme désincarnée» d’Élie qui est allée s’entretenir avec Jésus lors de la transfiguration mais bien Élie en chair et en os. Pour ce qui est de Moïse, Dt 34:5-6 dit : «Moïse, serviteur de l'Éternel, mourut là, dans le pays de Moab, selon l'ordre de l'Éternel. Et l'Éternel l'enterra dans la vallée, au pays de Moab, vis-à-vis de Beth-Peor. Personne n'a connu son sépulcre jusqu'à ce jour». Ces lignes ont dû être écrites par Josué puisque Moïse était déjà mort. Il n’existe pas de verset biblique qui dise clairement que Moïse soit monté au ciel. Encore que, Lc. 9:30, 32 ne parle pas de deux fantômes ou des esprits qui se tiennent auprès de Jésus mais de «deux hommes (andras)».
D’autre part, selon Jude 9, «l'archange Michel, lorsqu’il contestait avec le diable et lui disputait le corps de Moïse, n’osa pas porter contre lui un jugement injurieux, mais il dit: Que le Seigneur te réprime !». À quel événement biblique Jude fait-il allusion ? À aucun. En réalité l’apôtre Jude cite un livre apocryphe intitulé «l’assomption de Moïse»[24] qui fut écrit pendant la période intertestamentaire. La dernière partie de cet ouvrage traite de la mort de Moïse ainsi que de la bataille entre l’archange Michel (cf. Dn 10:13; 12:1) et Satan pour le cadavre de Moïse. L’archange avait eu l’ordre d’amener Moïse au ciel, tandis que Satan voulait prendre son corps en l’accusant de l’assassinat de l’égyptien (Pesahim 54a) et de la désobéissance à Mériba. Lorsque Michel gagna la bataille, il emporta Moïse au ciel. Cette hypothèse est confirmée par plusieurs livres juifs et également par quelques autres légués par la patristique[25]. Par inspiration divine, Jude confirme le récit apocryphe de l'enlèvement de Moïse au ciel, qui est lui-même corroboré par l’apparition de Moïse lors de la transfiguration de Jésus. Pour ma part, sur la base de la foi en l’inspiration de l’épître de Jude qui lui a permis de voir ce qui était vrai dans sa source, je crois que Moïse fut enlevé au ciel après sa mort. Pour conclure, Élie qui monta au ciel sans connaître la mort symbolise les enfants de Dieu qui seront en vie au retour de Jésus et qui seront transformés, tandis que Moïse qui est mort puis ressuscité symbolise ceux que Christ ressuscitera à son retour.
8. Lc. 23:33-43 : Le larron sur la croix : Le larron croyait-il que Jésus l’amènerait au ciel le même jour ? Non; car le larron lui-même dit : «Souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton règne» (v. 42). Comme tous les Juifs, il s’attendait à la venue du Messie en gloire. Il est donc certain que quand il pose sa question, il ne s’attend pas à ce que Jésus «l’amène au ciel avec lui».
Certains considèrent que tout est questions de déplacer la virgule et lire «je te dis aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis». Toutefois, les manuscrits grecs les plus anciens ont été écrits en majuscule sans séparation entre les mots, la ponctuation ne semblait pas nécessaire à l’époque. Le mot «aujourd’hui» se trouve entre les verbes «je dis» et «tu seras» et grammaticalement il peut s’appliquer aux deux verbes. La virgule que nous trouvons aujourd’hui dans les versions est due au choix du traducteur mais les deux lectures sont possibles. Alors mettons la virgule de côté.
Le bon larron (Lc 23:39-43) croit que Jésus est le Christ, c’est pourquoi il lui demande : «Souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton règne. Jésus lui répondit : «Je te le dis en vérité aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis». La demande du larron résume l’attente juive d’un salut par l’instauration messianique du royaume de Dieu (cf. Ac. 1:6). Le larron met sa destinée future entre les mains de Jésus. Confronté à la mort, il invoque Dieu et le prie, qu’il se «souvienne» de l’alliance faite avec les patriarches et qu’il le sauve (cf. Gn 9:15; Ex. 2:24; etc.). À cette attente, Jésus répond par un déplacement temporel, du futur au présent. Notez d’ailleurs l’emploi du mot «aujourd’hui» (semeron) en d’autres textes comme Lc 2:11 ou 4:21 où le royaume de Dieu est incarné en Jésus (avec moi, emou). Ainsi le salut n’est pas seulement une réalité eschatologique, mais aussi immédiate par la communion avec le Christ.
Quelle est la signification du mot «paradis» ? C’est un terme d’origine perse qui en hébreu et en araméen signifie «parc, verger, jardin de récréation». Dans la LXX, il désigne le jardin où Dieu plaça le premier homme. Le mot «paradis» se retrouve encore deux fois dans le NT. En 2 Co 12:4, Paul raconte une expérience extatique où il est amené au paradis qui se trouve au «troisième ciel» (1 Co 12:2). Le paradis se trouve donc au ciel. En Ap 2:7, le paradis est associé à l’arbre de vie lequel, selon Ap 22:2, se trouvera dans la nouvelle Jérusalem. Tout ceci suggère que le mot «paradis» désigne les demeures des rachetés dans le «Jardin d'Éden» (Chouraqui) restauré. Ainsi, lorsque Jésus promet au larron une place au paradis, il parle des demeures que Dieu réserve aux rachetés (Jn 14:1-3) qui n’y entreront qu’à son retour (Mt. 25:34; 16:27; 1 The 4:17).
Jésus n’est monté au ciel que le dimanche de résurrection. Lorsque Jésus dit à Marie «Ne me touche pas; car je ne suis pas encore monté vers mon Père» (Jn 20:17), il parle de lui-même, de son être, de son âme, autrement il aurait dû dire : «je n’ai pas encore amené mon corps au Père» ou «il n’y a que mon âme qui est montée au Père». Certains pensent que Jésus parlait de «son corps de résurrection», mais est-ce le seul corps de Jésus qui parlait avec Marie pendant que son âme s’en serait allée au ciel? Le corps peut-il vivre sans âme? Lorsque Jésus a ressuscité il possède un corps transformé, il n’est pas juste un fantôme. Dans la langue grecque, l'impératif qui est employé ici est un impératif présent qui, au sens strict, doit être traduit par «cesse de me toucher, ne me touche plus»[26], c’est pourquoi la TOB traduit par «ne me retiens pas». Cela signifie donc que Marie a effectivement touché le corps du Christ comme le feront plus tard Thomas (Jn. 20:27), les disciples (Lc. 24:39) et les autres femmes (Mt. 28:9). Jésus est monté deux fois au ciel. Une première fois après avoir vu Marie, puisqu’il le dit lui-même (Jean 20:17), et, une deuxième fois, lors de l'ascension. Sur la croix, quand Jésus remet son esprit (pneuma-«souffle») entre les mains de son Père (Lc. 23:45), l’esprit dont il s’agit est le souffle (ruah) de vie que tout être vivant possède (Ps. 104:29, 30) et qui retourne à Dieu qui l’a donné (Eccl 12:7). Du fait même du départ du souffle de vie, son âme (psyché) meurt.
Que signifie donc la réponse de Jésus au larron ? Luc, qui avait mis en relation Jésus et Adam au début de son évangile (3:23-38), évoque à la fin de celui-ci le même lien. Le paradis perdu à cause du péché d’Adam, est ouvert à nouveau par la mort du Christ. Christ est notre paradis, notre bonheur parfait. Luc oppose ici deux conceptions différentes de l'espérance : l’espérance strictement juive (v. 42) et l’espérance chrétienne, qui reconnaît en Jésus le «déjà» du royaume spirituel de Dieu, du salut eschatologique (v. 43). La mort du croyant est, entrer dans la vie éternelle, mais cela ne signifie pas la survie de l’âme comme dans la conception grecque. Dans la Bible, descendre dans le royaume des morts, c’est entrer dans le repos, dans le sommeil des morts (1 The 4:13-15; Es 14 :10; Ps 13:4; 88:5). L'exégète protestant J. Jeremias affirme que l’«aujourd’hui» de Luc 23:39-43 vise le «dès aujourd’hui de l'accomplissement», par opposition au «jour de la promesse». Ainsi, du point de vue chrétien, mourir c’est entrer dans le paradis qui est «être avec Jésus»[27], cela consiste à laisser sa vie à Dieu jusqu’au matin de la résurrection. Rien n’est dit sur l’état du larron, mais uniquement sur son «être en Christ, sans que l’on puisse dire ni où, ni quand, ni comment, ni sous quelle forme, ni dans quelles conditions se réalisera cette mystérieuse expérience»[28]. Paul exprime la même idée dans l'expression «en Christ»[29] qui désigne la relation étroite du chrétien avec son Sauveur : nous vivons en Lui et Il vit en nous.
9. 2 Co 5:8 : Nous dévêtir… nous revêtir. Pour la compréhension de ce verset il est indispensable de considérer le contexte, c’est-à-dire, la péricope de 2 Co 5:1-10. Dans la première partie du passage (vss. 1-5), Paul, qui était de profession faiseur de tentes, parle de deux formes d'existence distinctes : «la tente terrestre», qui peut être détruite, et «l’édifice céleste» qui est l’ouvrage de Dieu et une demeure éternelle (v. 1; cf. 1 Co 15:44). Ensuite, Paul oppose les différences entre «revêtir notre domicile céleste» et «être trouvés nus». Les vss. 2 et 4 montrent que l'espérance de Paul n’est pas tant «d’aller au ciel» mais de recevoir cette «habitation céleste» qui «descend» du ciel. Au v. 5, Dieu garantit que le même Esprit qui ressuscita le Christ, ressuscitera les croyants qui sont morts en lui (cf. Rm 8:11).
Dans la deuxième partie (vss. 6-10), Paul emploie une autre métaphore, celle du voyageur. Il affirme que tant que nous sommes dans le corps terrestre, nous sommes exilés (sens originel grec du verbe ekdemeo), loin du Seigneur. Notre citoyenneté est dans les cieux (Php 3:20). Paul est tellement désireux de s’unir au Seigneur qu’il préférerait délaisser son corps terrestre (vss. 7-8). Il conclut que la chose la plus importante pour nous est de lui être agréables (vss. 9-10).
Quel est donc le sens du discours de Paul ici ? Parle-t-il d’une âme désincarnée qui habite dans le ciel ou d’un rattachement du corps à l’âme lors de la résurrection ? Ni l’un, ni l’autre, pour trois raisons :
1. Ces interprétations ignorent que le contraste entre «l’édifice céleste» et «la tente terrestre» est spatial et non temporel. Paul compare l’existence céleste avec l’existence terrestre. Ce chapitre ne parle pas de «l’âme séparée du corps», d’ailleurs le mot «âme» ne s’y trouve pas. Si Paul s’attendait à être avec Christ juste après sa mort, sous forme d’âme immortelle, pourquoi n’en-a-t-il pas fait mention ? Il aurait dû dire «si cette tente où nous habitons sur la terre est détruite, nous irons avec nos âmes dans la présence du Seigneur dans les cieux». Or, dans aucun de ses écrits, Paul ne fait d’allusion à la survie et à l’existence de l’âme dans la présence du Seigneur. Cette idée est étrangère à Paul et au reste des Écritures.
2. Si l’état de nudité est une référence à l’existence de l’âme désincarnée en présence du Seigneur, alors pourquoi Paul repousse-t-il l’idée de se trouver «nu» (v. 3)? Après tout, ce serait là la réalisation de son plus cher désir, celui de «demeurer auprès du Seigneur» (v. 8). Le fait est que la notion de nudité, comme synonyme de l’âme désincarnée, se trouve dans les écrits de Platon mais jamais dans les écrits de Paul.
3. Si «l’édifice céleste» est «le séjour de l’âme dans les cieux», alors les croyants ont deux âmes, une sur terre et une autre au ciel, car Paul dit que «nous avons dans les cieux un édifice qui est l’ouvrage de Dieu» (v. 1). La phrase est au présent et indique une possession actuelle. Alors, comment l’âme du croyant peut-elle être, en même temps, dans le ciel avec Christ et sur la terre dans le corps ?
Quel est donc le propos de Paul ici ? Dans ce passage, il ne cherche pas à définir l’état du corps avant ou après la mort, il tente de mettre en évidence le contraste entre deux formes d’existence : la terrestre et la céleste. La première est mortelle tandis que la deuxième immortelle (2 Co 5:4), la première expérimente le fait de «demeurer dans ce corps» et d’être «loin du Seigneur» (2 Co 5:6) tandis que pour l’existence immortelle, il est nécessaire de «quitter ce corps et demeurer auprès du Seigneur» (2 Co 5:8). Voyons à présent ce qui signifie «quitter ce corps».
Comme en 1 Co 15 et 1 Thés 4, ici aussi Paul insiste sur la transformation du corps. Il montre qu’il y a deux façons de revêtir le corps immortel : soit sans mourir (1 Co 15:51-52), soit après la résurrection (2 Co 4:14; 1 The 4:13-16). Ce que Paul laisse entendre c’est qu’il désirerait recevoir le «corps spirituel» céleste sans passer par l’expérience de la mort, il aimerait être enlevé au ciel comme l’ont été, avant lui, Énoch (Gn. 5:23-24; Hb 11:5) et Élie (2 R 2:11-12). Ce qu’il attend, c’est donc la transformation de son corps et non pas la «libération de son âme». En 2 Co. 5:8, Paul ne désire pas la mort mais la translation